Massimo Bortolini

1. Le Projet

2. Conseils pour une évaluation

2.1 Points de force

2.1.1 La perspective de l’organisation

Le projet « Rôle du père » est un projet qui permet de donner aux hommes et aux pères fréquentant le centre de formation un'occasion de parler de choses pour lesquelles ils n’ont aucun autre espace pour le faire. En effet, nombreux sont ceux qui ont des questions qu’ils ne peuvent aborder ailleurs. Au café, à la mosquée, entre hommes, il est difficile pour eux de demander conseil par crainte de se voir juger.

Pour Link=Brussel, c’est une opportunité de rencontrer des besoins plus concrets que ceux plus généraux liés à la formation et à l’émancipation.
C’est l’occasion de permettre une certaine valorisation culturelle, en effet la question de la transmission et de l’héritage de cette transmission sont au centre de ce qui est discuté.

« Comment je peux faire respecter les limites à mon enfant ? », « Je respecte l’éducation que mes parents m’ont donné, mais je voudrais également changer certaines choses ». Ces pères ont conscience que l’éducation qu’ils ont reçue ne « cadre » pas toujours avec l’environnement dans lequel grandissent leurs enfants. Comment changer sans trahir ? Comment percevoir ce qui relève d’une différence entre des manières d’éduquer et d’un questionnement plus général lié à des transformations sociétales qui touchent tout le monde ?

2.1.2 La perspective d’Interculture Map

L’action interculturelle telle qu’elle a été précisée par les partenaires rencontre le projet de Link=Brussel sur différents points et à différents niveaux :

• l‘action telle qu’elle est développée par l‘association favorise la reconnaissance du père provenant ou appartenant à un univers culturel différents et la coexistence entre individus d’origines différents;
• il vise à faciliter les processus de socialisation des pères et de leurs enfants, par ce qu’il permet un rapprochement entre eux;
• les actions sont pluriannuelles, le projet existnt depuis 4 ans et étant destiné à être poursuivi.

Au niveau interne, le projet ‘Le rôle des pères’ contient le souci de connaître la situation où se déroule l’action. Cela signifie qu’il y a un souci de connaître ce que peuvent dire les pères sur leur réalité et non pas partir des images véhiculées par les médias ou par la société en général.
Des interventions de spécialistes ou de rencontres sont organisées, mais leur apport est celui d’un facilitateur.

Au niveau externe, le projet ‘Le rôle des pères’ a comme souci premier d’intégrer les pères au choix des thématiques à aborder et à la manière de les aborder ; chaque séance est introduite et accompagnée par un spécialiste (psychologues, sociologues, enseignants, travailleur social, etc.). Si le projet est local et de quartier, il y a une volonté d’aller voir ailleurs ce qui se passe de similaire, et par exemple, un voyage dans une autre ville pour rencontrer une initiative proche ; les effets positifs se marquent d’abord quant à la continuité de l’action et la fréquentation constante d’une quinzaine de pères (environ 80 personnes sur les quatre années).

L’aspect le plus intéressant de ce projet concerne le fait d’aller à l’encontre de deux préjugés tenaces lorsque l’on parle d’éducation. Le premier veut que seules les mères s’intéressent à l’éducation de leurs enfants (in et hors école). Ce projet montre que ce n’est pas le cas, mais que très souvent l’image très présente du père musulman « violent » et « peu soucieux » de l’éducation de ses enfants fait qu’ils se mettent en retrait et laissent le champ à leur femme ; et que, appartenant à une culture « populaire » et « ouvrière » étaler ses questions autour de ce qui relève de l’intimité est très difficile.

2.2 Points critiques

2.2.1 La perspective de l’organisation

Il y a peu de difficultés mises en avant par Link=Brussel sinon la difficulté à toucher des personnes hors du quartier. Pour le reste, l’activité, qui a été primée par ailleurs, fonctionne et attire un nombre de personnes constant.
La difficulté réside parfois à trouver des intervenants qui puissent avoir un langage proche et adapté aux demandes des pères.

2.2.2 La perspective d’Interculture Map

La critique la plus évidente dans cette initiative, par ailleurs exemplaire, est sans doute le fait que, volontairement, les animateurs de Link=Brussel ne servent pas de relais entre les pères et les institutions d’éducation et de socialisation de leurs enfants. Ils sont donc seuls à pouvoir « régler » les situations auxquelles ils sont confrontés.

2.3. Conclusion : ce qui est "exportable" dans le projet

2.3.1 La perspective d’Interculture Map
Ce projet est exemplaire dans ce qu’il bat en brèche nombre de stéréotypes concernant l’image du père issu de l’immigration, en particulier musulman. Il permet d’insérer ces pères dans le discours général sur la parentalité, la nouvelle parentalité, les nouveaux pères, et tout le discours qui entoure ces thématiques ; un discours et des thématiques « modernes » qui, pour l’opinion publique générale, ne concernent a priori pas ces pères. Or, ils se posent les mêmes questions, vivent les mêmes réalités que l’ensemble des pères/hommes de la société, mais n’ont pas voix au chapitre parce que considérés comme illégitimes.

Nous sommes donc ici dans une initiative interculturelle de premier rang. En effet, comme le disent bien les animateurs de Link=Brussel, ce qui réunit ces pères, ce n’est pas l’origine ethnique, sociale ou religieuse, mais le fait d’être père et homme, père et homme dans un environnement qui change et pour lequel les réponses que leur donne l’éducation qu’ils ont reçue leur paraît inadapté. Il y a chez eux une volonté de remise en question et de questionnement des implicites, chez eux et aussi dans la société en général.